Etat des lieux :
Milieu urbain :
Un diagnostic a été effectué à l’amont du Programme d’assainissement liquide et d’épuration des eaux usées (PNA) et a montré les problématiques suivantes :
Les nombreux diagnostics effectués sur le secteur de l’assainissement liquide en milieu urbain s’accordent sur l’immense déficit en termes d’équipement enregistré par ce secteur.
Il s’agit en l’occurrence de :
- l’insuffisance de la couverture urbaine en réseau d’assainissement, dont le déficit est lié à trois facteurs essentiels :
- La vétuste et la saturation des réseaux desservant les centres des villes et les médinas, bien que ces quartiers soient totalement desservis,
- la mise en œuvre des réseaux des quartiers structure avec des matériaux de qualité insuffisante et dans des conditions non réglementaires,
- la faible couverture par les réseaux d’assainissement dans les quartiers périphériques constitués par des zones d’habitat spontané.
- Le faible taux d’épuration des eaux usées. En effet, la composante «épuration» constitue le maillon faible de la chaîne de l’assainissement au Maroc ;
- l’état de dégradation et d’insuffisance hydraulique des réseaux d’assainissement existants ;
- les insuffisances en matière d’évacuation des eaux pluviales constatées à l’occasion d’évènements pluvieux ;
- la gestion non optimisée et peu performante des services d’assainissement, impliquant une dégradation des prestations de service par l’absence de planification, l’insuffisance de l’encadrement technique, des programmes et des équipements d’entretien systématique et de renouvellement des réseaux.
Milieu rural :
La population rurale marocaine est estimée à 13.5 millions d’habitants, répartie entre 3200 douars (300hab/douar en moyenne) et 1520 centres ruraux (2000hab/centre en moyenne)
Dans le milieu rural, il existe trois typologies d’habitat :
- Habitat dispersé : 28%
- Habitat semi groupé : 34%
- Habitat groupé : 38%
A l’exception de quelques maisons à deux étages ou de rares bâtiments publics, la gestion des eaux usées dans les douars se fait de façon séparée:
- Latrines sèches ou à siphon hydraulique pour les excrétas. Ces installations sont
Irrégulièrement utilisées, et la défécation à l’air libre est largement pratiquée.
Le modèle le plus courant est constitué d’une latrine à siphon hydraulique, placé contre un mur extérieur, dans la cour de la parcelle. Les murs sont en briques, mais l’attention portée au toit est moins soutenue (bâches, paille, etc…).
- Rejet direct dans la nature ou la voie publique pour les eaux grises. Cette situation a deux conséquences :
- Un impact sanitaire important, dû principalement à la proximité des lieux de défécation et au manque d’hygiène des latrines ;
- Des écoulements d’eaux grises sur la voie publique, en particulier dans les douars présentant une structure concentrée ou des conditions d’infiltration défavorables.
Les données disponibles concernant les taux de couverture au Maroc portent exclusivement sur les modes d’évacuation des excrétas et des eaux usées:
- Réseaux collectifs d’assainissement: 2.5%
- Fosses septiques: 2.7%
- Latrines à siphon hydraulique: 34.3%
- Latries sèches traditionnelles: 30.7%
Ces données sont à considérer avec prudence: les écarts entre provinces paraissent importants, et les définitions de l’assainissement sont souvent floues.
De plus, la réalité de terrain est probablement plus difficile à appréhender: de nombreuses habitations sont pourvues de latrines mais leur qualité laisse à désirer et – souvent par voie de conséquence – leur utilisation est irrégulière. L’indicateur de couverture n’offre ainsi qu’une vue partielle de la situation.
Les études existantes portant spécifiquement sur le milieu rural au Maroc sont les suivantes :
- Schéma Directeur d’Assainissement Liquide au Maroc (SNDAL).
- Etude relative à l’assainissement autonome en milieu rural (« Guides FAO »).
- Programme d’Alimentation en Eau Potable et Assainissement dans les communes rurales
- des Provinces d’El Jadida, Essaouira, Safi, Taounate et Taza.
- Guide pratique à l’usage des techniciens et équipes mobiles de planification, présentant les différentes techniques d’assainissement individuel appliquées dans le cadre du PAGER par la DGH [Direction Générale de l’Hydraulique].
Cadre institutionnel et réglementaire de l’assainissement liquide au Maroc :
Le cadre réglementaire est articulé autour de lois et textes d’application, élaborés et mis à jour en fonction des besoins. Le cadre législatif reste ainsi peu unifié, parfois incomplet, notamment en ce qui concerne l’encadrement des tarifs. Les règlements généraux de l’assainissement ne font pas l’objet de textes homogènes et restent insuffisants quant au caractère obligatoire du traitement des eaux usées et au respect des exigences de rejet.
La mise en œuvre de la législation régie par la Loi 10-95 et ses textes d’application reste à activer par la publication de l’arrêté relatif aux valeurs limites de rejet générales. Qu’il s’agisse de rejets municipaux ou industriels, il manque par ailleurs une capacité effective de «police des eaux» et la chaîne de responsabilités requise pour effectivement suivre la qualité et sanctionner la non-conformité, de même qu’un cadre légal et institutionnel spécifique aux besoins de la REU et des boues.
Réglementation de l’assainissement et des déversements d’eaux usées :
La mise en application des dispositions de la loi 10-95 sur l’eau en matière de déversements des eaux usées est en cours. A cet effet, on notera en particulier la mise en application du Décret 2.04.553 du 24 janvier 2005 sur les déversements.
Les arrêtés relatifs :
- aux valeurs limites générales de rejets ;
- au nombre d’unités de pollution ;
- au taux de redevance applicable ;
- à la fixation du rendement des dispositifs d’épuration, sont en cours de fin de réalisation.
Le projet d’arrêté fixant les valeurs limites de rejets spécifiques pour certaines activités, et le projet d’arrêté fixant les grandeurs caractéristiques et les coefficients spécifiques de pollution de l’activité, sont en cours d’élaboration.
Un projet de décret visant à promouvoir l’assainissement autonome en milieu rural a été également élaboré puis transmis au Secrétariat Général du Gouvernement pour approbation.
Le projet de Décret relatif aux modalités d’octroi des aides financières par les Agences de Bassins Hydrauliques, qui permettra de redistribuer les redevances de déversement sous forme d’aides à la dépollution, est en cours d’élaboration par les services du Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement et du Ministère des Finances et de la Privatisation.
Le projet de loi 28-00 relatif à la gestion des déchets et à leur élimination, qui va dans le sens de réduire autant que possible les impacts négatifs des déchets sur l’environnement, a été adopté par le Parlement.
Loi sur l’eau :
La loi 10-95 sur l’eau a été adoptée par la Chambre des Représentants en juillet 1995. Elle soumet toute utilisation des eaux, qu’elle soit le fait de personnes physiques ou morales, de droit publique ou privée, au paiement d’une redevance.
En ce qui concerne l’assainissement rural en particulier, l’article 54 mentionne « qu’il est interdit de rejeter des eaux usées […] dans les oueds à sec, dans les puits, abreuvoirs et lavoirs publiques, forages, canaux ou galeries de captage des eaux. Seule est admise l’évacuation des eaux résiduaires ou usées domestiques dans des puits filtrants précédés d’une fosse septique ».
La mention de « fosse septique » dans la loi implique un rejet commun des eaux usées (excrétas + grises), ce qui n’est que très rarement le cas en milieu rural. Cet article semble plutôt s’appliquer à des cas d’habitations de haut standing, non raccordable sur un réseau de collecte (ex : dans les zones résidentielles en périphérie urbaine).
Charte communale :
La Charte Communale du 30 septembre 1976 telle qu’elle a été révisée en 2002 confère la responsabilité du service de l’assainissement liquide aux collectivités locales. Cette même charte offre aux communes la possibilité de choisir le mode qui leur convient :
- La régie directe ;
- La régie autonome ;
- La délégation à un opérateur spécialisé.
L’article 40 de la Charte Communale relatif à l’hygiène, la salubrité et l’environnement charge le Conseil Communal de veiller à « l’évacuation et au traitement des eaux usées et pluviales » et à « la lutte contre toutes les formes de pollution et de dégradation de l’environnement et de l’équilibre naturel ».
Les formes de pollution peuvent être considérées de deux types :
- L’impact direct dans le douar lui-même : contact avec les matières fécales par une mauvaise utilisation de la latrine, croissance de moustiques dans les eaux grises ruisselantes, etc… Cet impact se traduit par une demande de la part de la population ;
- L’impact indirect, créé par la contamination du milieu naturel en général et des ressources en eau en particulier.
Exigences de rejet :
Actuellement, les exigences de rejet sont en cours d’élaboration1. Ces normes distinguent les rejets dans le milieu naturel des rejets en amont d’un réseau de canalisation et station d’épuration. Il est à relever que le projet de texte prévoit un délai d’application de 6 ans à partir de l’année 2005.
Ces exigences sont complétées par celles émises par le décret 1270/01 du 17.10.2002 portant fixations des références de qualité des eaux destinées à l’irrigation.
1 : Arrêté portant fixation des valeurs limites générales de rejet (en projet), comité interinstitutionnel.
Protection de l’environnement :
La loi no 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement prévoit dans son article 2 la mise en application :
- « D’un équilibre nécessaire entre les exigences du développement national et celles de la protection de l’environnement lors de l’élaboration des plans sectoriels de développement »
- « Des principes de l’usager payeur et du pollueur-payeur ».
Le principe du pollueur-payeur implique que l’habitant du douar porte la responsabilité finale de la qualité des eaux qu’il déverse dans le milieu naturel.
Si la loi était appliquée de manière isolée (sans tenir compte de l’article 2a de la loi 11-03), chaque usager se verrait dans l’obligation de réaliser des installations individuelles conformes, ou de participer financièrement à un traitement des eaux relativement sophistiqué.
Or, en réalité, l’application du principe du pollueur payeur place l’habitant du douar dans une position inconfortable : le traitement des eaux usées avant rejet dans le milieu naturel impliquerait une augmentation significative du prix du m³, plaçant ce dernier hors d’atteinte des capacités (ou de la volonté) de payer. Or ce traitement ne génère pratiquement aucune demande chez l’usager, à moins d’un bénéfice ou impact direct perçu par la communauté.
Il n’est pas question ici de remettre en cause le principe du pollueur payeur : il est inscrit dans la loi et c’est un objectif aujourd’hui reconnu comme indispensable pour atteindre un développement durable. Par contre il est nécessaire de prévoir des mécanismes d’application de ce critère, à l’instar de ce qui est prévu dans le projet d’exigences de rejet.
L’organisation du secteur de l’assainissement au Maroc :
Présentation :
Les principaux départements Ministériels, organismes et établissements publics et privés intervenant dans le secteur de l’assainissement sont:
- Le Ministère de l’Intérieur en tant que tutelle des Collectivités Locales qui leur apporte l’assistance technique et la coordination en matière de distribution d’eau potable et d’assainissement ;
- Le Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement chargé d’élaborer et de veiller à la mise en œuvre de la politique du pays en matière d’Aménagement du Territoire et de préservation de l’eau et de l’Environnement qui assure la tutelle de l’ONEP et des ABH chargées de la gestion du domaine public hydraulique, de l’évaluation et de la planification des ressources en eau ;
- Le Ministère de la Santé qui est chargé des aspects sanitaires liés à l’eau ;
- Le Ministère des Affaires Générales du Gouvernement qui préside la Commission Interministérielle des Prix, intervient dans la réglementation des tarifs de l’assainissement et de l’eau potable à la production et à la distribution ;
- Les Collectivités Locales qui ont la charge des services de l’eau potable et de l’assainissement et qui assurent directement ces services par leurs propres moyens ;
- Les Régies autonomes de distribution qui sont des établissements publics locaux dotés de l’autonomie financière, assurent la distribution de l’eau potable, de l’électricité et l’assainissement dans les grandes villes pour le compte des communes ;
- L’Office National de l’Eau Potable, chargé de la planification de l’approvisionnement en eau potable à l’échelle nationale, de l’étude, de la réalisation et de la gestion de la production d’eau potable en milieu urbain. Il a aussi des compétences dans la distribution d’eau potable et l’assainissement qu’il peut assurer à travers les délégations de service par les communes ;
- Les Agences de Bassins Hydrauliques, dont les conseils d’administration regroupent l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de l’eau, chargées d’organiser et de conduire la gestion de l’eau à l’échelle des bassins ;
- Le secteur privé par le biais de sociétés délégataires qui sont des sociétés privées du droit marocain chargées de la distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide (zone côtière de Rabat – Casablanca et Tanger-Tétouan).
- Les Organisations Non Gouvernementales qui interviennent essentiellement dans l’approvisionnement en eau des populations rurales.
La responsabilité institutionnelle des communes :
La Charte Communale confère aux communes la responsabilité du service de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité. Jusqu’au début des années 90, le service d’assainissement était essentiellement assuré par les services municipaux, peu spécialisés et non rémunérés, selon la formule de la régie directe.
Le terme de gestion par régie directe est utilisé lorsque la réalisation des installations d’assainissement, leur exploitation et leur entretien sont assurés par les services communaux.
Ces régies sont caractérisées par une gestion passive et peu technique de l’assainissement, inhérente à la non-rémunération directe du service. Elles ne sont pas en mesure d’assumer le bon entretien de leurs systèmes, ni d’emprunter pour leur mise en conformité avec les nouvelles normes de construction.
La commune est responsable de la réalisation des projets à caractère communal dont ceux de l’assainissement liquide.
Dans le détail le Conseil communal est en charge de la gestion de l’ensemble des services et des actions de développement de la Commune.
Ceci englobe les responsabilités suivantes :
- L’hygiène et la salubrité publique en vue d’assurer dans le territoire de la collectivité la prévention des épidémies et des nuisances publiques ;
- L’adoption et l’application des diverses dispositions de nature réglementaire visant notamment la protection de l’hygiène et de la santé publique ;
- La contribution à la protection des biens publics et privés contre les inondations et la prise en charge des dépenses relatives à l’investissement et au fonctionnement des systèmes d’assainissement liquide collectifs.
En d’autres termes, le Conseil communal est responsable de la mise en place et de la gestion des infrastructures d’assainissement liquide ainsi que des règlements pour assurer le fonctionnement et l’entretien adéquats de ces infrastructures.
Le Conseil constitue le Maître d’ouvrage d’assainissement liquide. Il planifie l’infrastructure pour assurer une couverture adéquate de la ville en système(s) d’assainissement liquide fiables, prend les décisions nécessaires pour protéger l’infrastructure, la santé publique et les biens des populations et assure le bon fonctionnement des systèmes communaux d’assainissement liquide.
La responsabilité spécifique du Conseil communal vis-à-vis de l’assainissement liquide peut-être décomposée comme suit :
- Faire le diagnostic du réseau d’assainissement liquide existant et relever les problèmes entravant son bon fonctionnement.
- Procéder à l’établissement des études et à la réalisation des réseaux et ouvrages d’assainissement.
- Initier l’établissement des études nécessaires pour la résolution des problèmes et l’engagement des travaux de réhabilitation et d’extension requis par le système.
- Veiller à l’application du règlement technique du service d’assainissement pour la bonne marche des systèmes et la protection des individus, des biens et de l’environnement.
- Mettre en place une structure adéquate pour gérer les services de collecte, de transport, d’épuration et de rejet final des eaux usées.
- Assurer la contribution de la communauté aux frais de maintien des systèmes d’assainissement liquide desservant le périmètre urbain.
- Dégager les ressources nécessaires pour l’amélioration des systèmes d’assainissement liquide et de leur bon fonctionnement.
- S’assurer que les axes de développement du secteur s’inscrivent dans la stratégie nationale.
- Mettre en place les services de contrôle et de suivi du secteur.
Les deux tâches principales de la Commune en matière d’assainissement liquide sont :
- La réalisation d’ouvrages de collecte, d’évacuation et d’épuration des eaux usées en les rendant inoffensives vis-à-vis de la population et de l’environnement et réutilisables dans les activités appropriées ;
- La maintenance des ouvrages en état de fonctionnement et leur entretien afin qu’ils assurent leurs fonctions de façon pérenne.