Classification des barrages


Un barrage est un ouvrage d’art construit en travers d’un cours d’eau destiné à réguler son écoulement et/ou à stocker de l’eau pour différents usages (eau potable, irrigation, hydroélectricité, pisciculture…). Cet ouvrage crée soit une retenue à niveau constant soit une retenue à niveau variable.

Les retenues à niveau variables sont créées par les barrages d’accumulation ou d’emmagasinement. Elles sont destinées à produire un effet sur l’aval du cours d’eau : régulariser le régime de la rivière, réduire les débits des crues et renforcer les débits d’étiage.

Selon l’usage et les matériaux utilisés, les barrages peuvent être classés en deux grandes catégories :

  • Barrages rigides.
  • Barrages souples.

Barrages rigides :

Les barrages rigides sont des structures en béton.

Les raisons pour lesquelles on choisit un barrage rigide sont généralement les suivantes :

  • Nécessité d’évacuer des crues importantes ;
  • Présence de fonctions hydrauliques complexes dans l’ouvrage (ouvrage vanné pour assurer, par exemple, l’évacuation des sédiments et garantir la pérennité de la retenue, vidange de fond de fort débit) ;
  • Incertitude sur l’hydrologie : les ouvrages rigides sont généralement moins sensibles au déversement que les ouvrages en remblai. Sur les sites où il y a une grande incertitude sur les crues, les variantes rigides sont souvent avantageuses (limitation des ouvrages de dérivation provisoire et plus grande sécurité vis-à-vis du risque hydraulique). Il faut toutefois noter que la stabilité des petits barrages poids est très sensible au niveau des plus hautes eaux.

De façon générale, un ouvrage en béton est envisagé chaque fois que les ouvrages hydrauliques ont une importance significative dans le projet (souvent le cas pour les barrages de prise d’eau sur les aménagements hydroélectriques).

Il faut aussi savoir que même si ces raisons citées se présentent, il y a deux conditions requises pour pouvoir projeter un ouvrage rigide.

La première condition porte sur la qualité de la fondation. En première approximation, on peut énoncer la règle suivante : un barrage rigide nécessite une fondation rocheuse de bonne qualité.

La deuxième exigence pour construire un ouvrage rigide est de disposer, dans des conditions économiques acceptables, de granulats de bonne qualité nécessaires à sa construction.

Ces deux exigences sont d’ailleurs souvent satisfaites simultanément.

Les différents types de barrages rigides :

Selon la forme et le comportement mécanique de ces ouvrages rigides, on peut distinguer plusieurs types.

Barrage voûte :

Les barrages voûtes transmettent la poussée hydrostatique par effet voûte sur les deux rives par des arcs comprimés travaillant en compression. C’est la géométrie de la voûte et le contraste de rigidité entre le béton et le rocher qui déterminent le fonctionnement de l’ouvrage. La recherche de la forme idéale vise à transmettre la poussée par des arcs entièrement comprimés. Traditionnellement, les barrages voûtes ont été dessinés en limitant la contrainte maximale dans les arcs comprimés à 5 MPa, correspondant à un coefficient de sécurité de 4 ou 5 pour un béton de qualité moyenne. Cette condition détermine l’épaisseur de la voûte avec la formule du tube suivante :

σ= (P.R)/e

Avec :

σ : la contrainte maximale de compression transmise par l’arc.

P : pression hydrostatique en MPa

R : rayon de l’arc en m.

e : Epaisseur de la voûte en m.

Cette formule reste un moyen efficace de prédimensionnement des petits barrages voûtes.

Il en résulte quatre conditions nécessaires pour pouvoir concevoir un barrage voûte (petit ou grand) :

  • Condition topographique : la vallée doit être « étroite » ; des barrages voûtes ont été construits sur des sites dont le rapport largeur en crête sur hauteur (l/h) voisin de 10, mais généralement les voûtes sont intéressantes lorsque l/h est inférieur à 5 ou 6 ;
  • Rigidité de la fondation : pour que le fonctionnement « en voûte » soit possible, il faut que la rigidité de la fondation soit suffisante, sinon les arcs ne trouvent pas leurs appuis et la structure tend à fonctionner en console. Comme ordre de grandeur, une voûte ne doit pas être envisagée sans études détaillées lorsque le module de déformation du rocher (mesuré par essais au vérin ou petite sismique) est inférieur à 4 ou 5 GPa ;
  • Résistance mécanique de la fondation : on a vu que la voûte transmet des contraintes élevées à la fondation qui doit rester dans le domaine élastique pour ces niveaux de sollicitation ;
  • Tenue des dièdres de fondation, sous l’effet des sous pressions et compte tenu de la compression apportée par la voûte qui peut empêcher leur dissipation.

Lorsqu’une reconnaissance approfondie de la fondation montre que ces conditions sont réunies, le barrage voûte s’avère souvent une solution économique pour les petits barrages car il minimise de façon très importante les volumes de béton à mettre en œuvre.

À titre d’exemple, une voûte cylindrique de 25 mètres de rayon pour un barrage de 25 mètres de hauteur aura une épaisseur de l’ordre de 1,25 mètre en retenant une contrainte maximale de compression de 5 MPa, suivant la formule du tube précédente, à comparer avec une épaisseur moyenne de 10 mètres pour un profil poids classique.

Par ailleurs, la conception et la construction sont simples pour des ouvrages de moins de 25 mètres, si l’on s’en tient à des formes géométriques simples.

Le barrage voûte présente aussi l’avantage d’être peu sensible à la submersion pour autant que celle-ci reste de courte durée et d’amplitude modérée (risque d’érosion du pied aval). En outre, il permet d’avoir une meilleure résistance au séisme et au soupression vu son volume et sa surface d’assise relativement petits.

Cependant, le barrage voûte a aussi des inconvénients :

  • Les contraintes sont importantes dans le béton et dans le rocher.
  • La dilatation thermique est à considérer.
  • L’intégration de l’évacuateur de crue dans le barrage est difficile.
  • Les soupressions dans les fissures du rocher peuvent provoquer des glissements d’appuis.

La Figure  ci-dessous présente l’exemple du barrage BIN EL OUIDANE.

Barrage poids :

Pour un barrage à profil poids, le fonctionnement de l’ouvrage est complètement différent : c’est le poids de l’ouvrage (et non sa géométrie comme dans un barrage voûte) qui assure l’équilibre de la poussée hydrostatique et des sous-pressions.

Les sous-pressions ne sont généralement pas considérées pour les barrages voûtes car, du fait de la minceur du profil dans le sens amont-aval, la part des sous-pressions dans l’équilibre est négligeable. Par contre, pour un barrage poids, les sous-pressions ont un effet négatif sur l’équilibre de l’ouvrage.

La méthode classique d’étude de la stabilité d’un barrage poids consiste à analyser l’équilibre global du barrage ou d’une partie de celui-ci sous l’action du poids, de la poussée hydrostatique, des sous-pressions et éventuellement d’autres actions secondaires (par exemple poussée des sédiments, action du vent ou séisme). Les critères de dimensionnement de l’ouvrage portent sur la répartition des contraintes normales (limitation des tractions au pied amont et limitation des contraintes de compression) et sur l’inclinaison de la résultante. Cette méthode de calcul met en évidence le rôle majeur des sous-pressions dans l’équilibre des barrages poids et donc l’importance du drainage.

À titre indicatif, les contraintes maximales de compression sous un profil poids traditionnel à parement amont vertical et à fruit aval de 0,8H/1V sont de 0,35 MPa pour un barrage poids de 25 mètres de hauteur, soit plus que dix fois plus faible que pour un barrage voûte de même hauteur. L’inclinaison de la résultante varie de 27 à 42° suivant les conditions de drainage. Enfin, il convient de noter que le barrage poids en béton est un ouvrage rigide ; le module du béton traditionnel est de l’ordre de 25 GPa, généralement supérieur au module des fondations rocheuses sur lesquelles il repose.

Le fonctionnement mécanique du profil poids nécessite la principale exigence pour un barrage en béton, à savoir la nécessité d’une fondation rocheuse de qualité suffisante. La condition relative à sa faible déformabilité est généralement la plus contraignante, en particulier pour des fondations de roches tendres ou altérées, mais la condition sur la résistance au cisaillement élimine également le profil poids lorsque la résistance au cisaillement de la fondation est faible (fondation marneuse, présence de joints argileux subhorizontaux dans la fondation…).

Mis à part les faibles contraintes dans le béton et sur le la fondation, le barrage poids présente aussi l’avantage de la réduction de l’effet de la dilatation thermique. Toutefois, il a les inconvénients suivants :

  • Les soupressions sont importantes dans les fondations.
  • Risque moyen de tassement.
  • Volume important du béton.
  • Beaucoup d’excavations de fouilles
  • Grande sensibilité au séisme.

Barrages à contreforts :

Ils ont des formes très variées et résistent aux efforts à la fois par le poids et par la forme. Les voiles qui constituent le barrage transmettent la poussée hydrostatique sur les contreforts. L’avantage apporté par rapport au barrage poids est celui de la réduction du volume du béton utilisé. Un exemple de ces barrages est celui du barrage ABDELMOUMEN présenté dans la Figure suivante.

Les matériaux utilisés pour les barrages en béton :

Maçonnerie :

C’est le procédé le plus ancien. Il nécessite une main d’œuvre très abondante pour la taille et la mise en place des blocs, raison pour laquelle il n’est plus couramment utilisé.

Béton conventionnel (BCV) :

La technique des barrages poids en béton conventionnel vibré (BCV) s’est développée à partir de la deuxième décennie du XXe siècle. Elle a donné lieu à un très grand nombre d’ouvrages de toute taille et pour toutes sortes d’usages.

La technologie des barrages poids en BCV met en œuvre des bétons de granulométrie importante (jusqu’à 80 millimètres) et des dosages en ciment de l’ordre de 200 à 250 kg/m3. L’exothermie de la réaction d’hydratation du béton conduit pendant la prise à de fortes augmentations de température du béton et à un risque de fissuration lors du refroidissement.

Les barrages en BCV sont pour cette raison construits par plots de dimensions horizontales courantes 15 x 15 mètres nécessitant la mise en œuvre de nombreux joints de contraction, transversaux et longitudinaux (au moins pour les barrages de grande hauteur). Pour les petits barrages, il est généralement possible de se contenter de joints transversaux.

La technique des barrages poids en BCV nécessite comme la maçonnerie une importante main d’œuvre, en particulier pour la réalisation des coffrages.

Béton compacté à rouleau (BCR) :

Le regain d’intérêt pour les profils poids est venu de l’invention du BCR qui est une innovation technique majeure dans la technologie des barrages.

L’innovation consiste à mettre en place le béton et à le compacter, non plus par les moyens traditionnels (grue ou blondin pour le transport et compactage par pervibration dans la masse), mais en utilisant les techniques de terrassement, transport par camion, réglage au bouteur, compactage au rouleau vibrant lourd. Ce mode de réalisation exige toutefois une surface de plate-forme de travail supérieure à 500 m² (environ) pour que les engins puissent évoluer efficacement.

La possibilité de réduire au strict nécessaire la quantité d’eau et le serrage efficace obtenu par le compactage en couches peu épaisses ont permis de limiter les quantités de ciment à des valeurs de 100 à 150 kg/m3 de façon à diminuer l’exothermie.

En effet, cette nouvelle méthode de mise en œuvre s’accommode mal des nombreux joints destinés à contrôler la fissuration thermique du BCV. Dans la conception actuelle des barrages en BCR, seuls les joints transversaux sont conservés, mais généralement à des espacements bien supérieurs aux 15 mètres traditionnels des barrages en BCV.

L’un des avantages importants du BCR est la rapidité d’exécution : le massif d’un petit barrage peut être construit en quelques semaines, permettant de réduire les coûts d’immobilisation, de maîtrise d’œuvre et souvent de dérivation des eaux, le barrage étant construit en étiage avec des ouvrages de dérivation réduits au minimum.

Cependant, le BCR a l’inconvénient de ne pas assurer la fonction d’étanchéité. Par conséquent, on a recours à un masque amont qui peut avoir plusieurs variantes :

  • Membrane en PVC.
  • Mur en béton armé construit à l’avance et servant de coffrage pour le parement amont.
  • Masque amont en béton armé (exemple: barrage AOULOUZ).

Dans cet esprit, les matériaux BCR utilisés pour le corps du barrage sont avant tout des matériaux rustiques, dont la composition variable est guidée par la disponibilité sur le site des composants dans une formulation au moindre coût. Les teneurs en liant sont faibles, de l’ordre de 100 kg/m3, et la teneur totale en fines est d’au moins de l’ordre de 12 %.

Béton cyclopéen :

Le Béton cyclopéen est un béton contenant des gros blocs de pierre, des moellons, des galets, pouvant avoir des tailles jusqu’à 200 mm. Il est généralement utilisé pour de gros volumes ne demandant pas de résistance mécanique élevée (ouvrage massif, remplissage par exemple). En outre il nécessite un matériel de malaxage adapté. Quant au dosage en ciment, il varie de 200 à 350 Kg/m3.

Barrages souples :

Barrage en terre :

Les barrages en terre peuvent être construits avec des matériaux de caractéristiques très divers allant de l’argile très fine à des éléments très grossiers ou même des roches altérées facilement compactées. L’utilisation d’un matériau ou d’un autre dépend de la disponibilité dans la zone d’emprunt. Un barrage en remblai est constitué en général de six éléments :

  • Un noyau : constitué d’un matériau imperméable habituellement argileux.
  • Recharges (amont et aval) : remblai situé à l’aval et à l’amont du noyau ou de l’écran interne d’étanchéité dans un barrage en terre ou en enrochement.
  • Riprap : couche d’enrochement ou de blocs préfabriqués disposée en vrac à l’amont du barrage.
  • Filtres : matériau dont la granulométrie est telle que les particules fines ne puissent pas migrer vers les zones drainantes.
  • Drains : ils drainent les eaux de fuites vers l’aval à l’extérieur de l’ouvrage.
  • Risbermes : décrochement horizontal sur le talus d’un barrage en remblai.

Quelque soit la composition du barrage en terre, on distingue trois schémas différents.

Barrage homogène :

Il est constitué de matériaux permettant d’obtenir après compactage des conditions d’étanchéité et de stabilité satisfaisantes. Il comporte en outre un drainage dans sa partie avale et une protection mécanique en amont.

Barrage à noyau :

Lorsqu’on ne dispose que de matériaux hétérogènes dans la zone d’emprunt, on ne peut pas concevoir un barrage homogène. En revanche, on construit une digue en plusieurs zones constitués de matériaux différents chacune jouant un rôle spécifique. Le rôle de l’étanchéité est assuré par le noyau et les recharges permettent de stabiliser le barrage.

Barrage à masque amont :

Le masque amont est souvent sous forme de béton ou de bitume pour assurer l’étanchéité. Ce genre de barrage en terre est construit dans le cas où la mise en place d’un noyau n’est pas possible.

Barrage en enrochement :

Un barrage en enrochements est un barrage constitué de gros cailloux qui résiste aux efforts appliqués par son poids. L’étanchéité est assurée par un masque amont, un écran interne en béton ou un noyau argileux. L’étanchéité du barrage doit être poursuivie jusqu’à la fondation imperméable par une parafouille constituée d’une paroi moulée, d’un rideau d’injection ou d’un prolongement du noyau argileux.

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